Par Charly Merminod

INTRODUCTION:

Connue des terrariophiles depuis les années 70, époque à laquelle Dendrobates auratus et D. pumilio commencèrent à être importées d’Amérique centrale, la grenouille fraise est demeurée rare en captivité principalement en raison de la difficulté à la reproduire en quantité importante. Ils font partie de la famille dite de mangeur d’œuf (en anglais: egg feeder) à cause du mode alimentaire des têtards exclusivement composé d’œufs pondus à cette intention par la mère. Ce phénomène a été observé et décrit pour la première fois par WEYGOLD (1980,1984).

HABITAT:

La grenouille fraise vit dans les zones forestières où elle fréquente souvent les lisières et les parties de forêt plus clairsemées. A ces latitudes même sous un ciel nuageux, l’intensité lumineuse reste élevée et Dendrobates pumilio apprécie un peu de soleil en début et en fin de journée. Elle partage son temps entre la chasse, pratiquée plutôt le matin sur l’épais tapis de feuilles mortes recouvrant le sol de la forêt pluvieuse et se retire ensuite dans les branches des arbres où il rejoint son territoire composé de plantes épiphytes tel que des fougères, des orchidées mais surtout des Broméliacées* dans lesquelles elle élève sa progéniture.

MAINTENANCE EN CAPTIVITE:

Espace
Il faut un terrarium de type tropical humide. Pour un couple, prévoir au minimum une dimension de 50 x 40 x 40 cm. Toutefois un terrarium plus grand, voir beaucoup plus grand accroîtra encore les chances de reproduction et permettra de mettre plus d’animaux ensemble. L’utilisation de paludarium est également une solution possible. Le verre collé est le matériel idéal pour ce genre de terrarium. Il existe dans le commerce allemand et hollandais des terrariums spécialement conçus pour les Dendrobates. En verre collé avec un sol en pente permettant à l’eau de ruisseler jusque dans un collecteur munis d’un écoulement, ils sont en outre percés au plafond, de plusieurs orifices prévus pour la pose de buses de vaporisation. Les fabricants ayant bien fait les choses, ils proposent le kit complet pour l’arrosage. Les portes coulissantes sont quant à elles munies d’un petit joint silicone pour empêcher les insectes de sortir.

Ventilation
Afin d’assurer une ventilation correcte et un renouvellement suffisant de l’air le terrarium est équipé d’une ventilation haute et basse le grillage doit être suffisamment fin pour éviter la fuite des minuscules insectes servant de nourriture.

Eclairage
Indispensable à la survie des plantes et des animaux, l’éclairage de type fluorescent sera suffisamment puissant pour permettre aux plantes de vivre. La durée d’éclairage d’environ 12 heures correspond à celle existant sous les tropiques. L’utilisation d’un tube avec UVB placé sur le grillage où à l’intérieur du terrarium reproduit au mieux la qualité de la lumière naturelle, d’autre part l’utilisation une fois par semaine d’une lampe UVA pendant environ cinq minutes est souvent appréciée des grenouilles qui viennent volontiers se dorer sous la lampe. Avec ce traitement les couleurs des grenouilles seront ainsi rehaussées et leur croissance bien meilleure.

Chauffage
La température doit se situer entre 24°C la nuit pour monter à 28°C la journée avec éventuellement une pointe jusqu’à 32°C au milieu de la journée. Un câble chauffant de 15W pour un terrarium de 60 x 40 x 40 cm., enfouit dans le substrat ou posé sous le bac assure la chaleur de base, l’éclairage fournissant le complément.

Hygrométrie
Dans leur milieu naturel les grenouilles fraises sont soumises à une variation du taux d’humidité relative de l’air oscillant entre 100% la nuit et environ 70% pendant les périodes chaudes de la journée. Cependant pendant les moments les plus chauds, elles restent cachées à l’intérieur de leur broméliacée, ayant ainsi toujours de l’eau à disposition.
En captivité l’humidité dans le terrarium est assurée par des arrosages ou des vaporisations régulières dont le rythme dépend de la ventilation du terrarium mais aussi du substrat utilisé et de la saison souhaitée. L’alternance d’une saison sèche et d’une saison des pluies est une des conditions pour obtenir de la reproduction.
Si, comme c’est le cas chez moi, les terrariums disposent d’un écoulement, l’utilisation d’un système d’arrosage automatique est idéal pour garantir des pluies régulières ; l’orifice et la conduite d’écoulement jusqu’à une canalisation permettant à l’excès d’eau de s’évacuer. On est sûr de cette manière d’avoir toujours suffisamment d’eau à l’intérieur des Broméliacées où croissent peut-être quelques têtards.

Substrat
Dans un terrarium classique (sans écoulement) le substrat se compose de deux couches, l’inférieure faite de billes d’argile sert de drain et permet par la pose d’un petit tube dans un angle accessible de vider de temps en temps l’eau excédentaire. Un tissus imputrescible "géotextile" ou un fin grillage la sépare de la couche supérieure faite de tourbe, de terre de bruyère ou de plaques de mousse de forêt. Sur la terre un tapis de feuilles mortes préalablement rincées rappelle le sol de la forêt tropicale humide d’où sont originaires nos petits pensionnaires. Le substrat doit être suffisamment drainé pour que les racines des plantes ne pourrissent pas.
Les éleveurs de Dendrobates ont aussi pris l’habitude de revêtir les parois de leurs terrariums avec des plaques de fibres de fougères Xaxim® collées au silicone. Avec le temps et l’humidité elles se recouvrent de mousse, donnant ainsi un aspect très naturel à la paroi. Les plaques de fibres ont cependant le désavantage de se désintégrer après quelques années. Elles sont de plus en plus remplacées par des décors artificiels de mousse expansée ou de plaques de polystyrène expansé recouvertes de vernis, de résine synthétique où de silicone puis saupoudrée de fines particules de tourbe bien sèche qui doivent être fortement pressées dans la couche de finition. Après quelques mois, ces parois finiront par disparaître sous la végétation. Avant de planter et de mettre en service un terrarium ainsi préparé, attention de bien le laisser sécher pendant environ trois semaines, si possible à l’air libre, puis le rincer abondamment avant de faire des plantations.

Végétation et décor
Contrairement aux terrariums modernes, dans lesquels on utilise des plantes artificielles, il est indispensable, pour reproduire cette espèce, de lui mettre à disposition un certain nombre de plantes naturelles. Ce sont des plantes de la famille des Broméliacées suffisamment grandes pour que la réserve d’eau qu’elles accumulent à la base de leur feuilles et au centre de la rosette permettent aux grenouilles d’y élever leur progéniture.

Une plante grimpante à petites feuilles tel que par exemple un Ficus pumila recouvrira rapidement les parois du terrarium. Quelques branches complètent ce micro biotope. Plusieurs tubes de pellicules photos disposés horizontalement en différentes places du terrarium servent souvent de lieu de ponte.

REPRODUCTION:

Parce que D. pumilio est encore rare en captivité, l’éleveur doit tout faire pour obtenir sa reproduction, mais avec une éthique rigoureuse visant à reproduire que des animaux de la même provenance géographique, le but étant bien évidemment de préserver ce qui fait l’attrait de cette espèce, à savoir ; les variations de colorations différentes selon l’origine géographique de l’animal.
La période de reproduction intervient dans la nature pendant la saison des pluies d’avril à décembre.
En terrarium, il est nécessaire d’augmenter les arrosages pour initier le cycle de reproduction. Le printemps est la meilleure saison pour le faire.
Le mâle lorsqu’il voit passer une femelle à proximité se met à chanter du haut de son perchoir; si cette dernière est intéressée, elle s’approche de lui. Commence alors une parade qui va mener le couple de part et d’autre du terrarium la femelle suivant le mâle qui chante frénétiquement; ce va et vient peut durer plusieurs heures, il conduit finalement le couple jusqu’au lieu de ponte qui peut être, une feuille, une boite de Pétri, un tube de pellicule photo.
Il n’a a pas d’amplexus. La femelle dépose quatre à six œufs, jusqu’à quinze pour la variété "Bribri" qui sont aussitôt fécondés par le mâle. Pendant les douze jours de l’incubation, la femelle se rend régulièrement sur la ponte pour l’humidifier.

Lorsque les têtards se sont extrait de la gangue qui les protégeait la mère revient sur eux et en se cambrant au maximum elle permet à sa progéniture de grimper en frétillant sur son dos. Elle les transporte individuellement où par deux jusqu’au lieu qu’elle a choisi pour les élever, le plus souvent dans les réservoirs d’eau d’une Broméliacée.

Il arrive parfois que le transport des têtards dure plusieurs heures voir plusieurs jours. Pendant environ deux mois, elle revient régulièrement tous les deux où trois jours nourrir les têtards. Lorsqu’elle arrive dans l’eau, ils manifestent leur présence en remuant frénétiquement près de leur mère. En réponse elle pond dans le bassin quelques œufs abortifs qui sont la nourriture exclusive des têtards de cette espèce. Après résorption complète de la queue, les jeunes grenouilles quittent timidement l’abri de leur plante pour mener leur existence de grenouille.
Sitôt repérés les nouveau-nés sont retirés du terrarium parental pour être élevés dans un bac plus adapté à leur minuscule taille d’environ 7 mm.
Abondamment nourris de collemboles au début, puis de micro-grillons néonates ensuite, le tout régulièrement vitaminés, les grenouilles grandissent rapidement, les premiers chants sont émis déjà après trois mois et la maturité sexuelle intervient au bout de six mois. Pour ne pas épuiser des jeunes à peine adulte, je conseille de ne pas les mettre en condition de reproduction avant l’âge d’un an; ainsi leur croissance sera complètement terminée.
Dans le même ordre d’idée pour ne pas épuiser les reproducteurs une période de repos de 5 à 7 mois est observée chaque année. De cette façon, l’espérance de vie d’une grenouille dépasse les dix ans et les malformations tel que les pattes d’allumettes ne sont plus observées. Par période de reproduction un couple donne en moyenne 14 jeunes viables.

*Broméliacées : famille de plantes généralement en forme de rosette à feuilles simples, allongées et dont la base élargie en citerne accumule l’eau de pluie. Souvent épiphytes ou xérophytes originaire du continent américain. La plus cultivée étant l’ananas. De cette famille sont issus aussi bon nombre de plantes d’appartement comme les Aechmea, Vriesea, Guzmania etc.
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