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Je me souviens d’un autre voyage, pas d’expédition, cette fois-ci, les héros devaient être fatigués. Mark avait trop travaillé comme d’habitude et Manuel n’était pas en grande forme. Ils avaient donc décidé de descendre l’Amazone tout bêtement, à partir d’Iquitos.
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Pour cela il y a deux choix : le gros bateau de bois, genre époque de la ruée du caoutchouc, qui s’arrête tous les trois ranchos ou alors le bateau rapide
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De temps en temps, une île passe devant vous : trois bananiers debouts et une brassée de cannes à sucre sauvages. D’autres fois, c’est un arbre immense, couché, dont la moitié dépasse avec encore quelques oiseaux dans les branches. On est ici quasiment à la source du fleuve, à l’endroit où il prend son nom, à des milliers de kilomètres de son embouchure, c’est encore un bébé, mais un bébé enfanté par un monstre, un ogre.
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Comme les gringos sont toujours pressés, on a choisi le rapide. Imaginez une fusée d’aluminium dessinée par Jules Verne et bricolée par votre beau-frère . Mettez-la sur l’eau avec un moteur surdimensionné et vous aurez une bonne idée de ce qu’est le bateau rapide. Ajoutez une minuscule porte fermée à l’avant, six personnes sur chacun des sièges prévus pour quatre, vingt-cinq personne pour une capacité de quinze, une odeur permanente d’essence, claustrophobes s’abstenir… La chose vole sur l’eau en projetant derrière elle une gerbe d’eau de la hauteur d’une maison et le pilote, plus macho qu’un vrai napolitain, klaxonne à chaque ride de la surface.
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Oh, que le beau Bernardo a hâte d’être sur la terre ferme…
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Et l’on arrive au village promis. On est bien sûr l’attraction du jour. Tout le monde se précipite, a quelque chose à vendre et surtout veut le vendre. Il faut faire des efforts immenses pour s’extirper de la foule, traîner ses bagages. Manuel, sacré Manuel, a déjà trouvé un endroit où coucher et un autre où manger. Le coucher visiblement aura des puces. Il est hélas trop tard pour aller chasser.
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On s’installe dans ce que l’on appelle un café : deux tables directement sur la place. Les gars boivent des bières, moi des limonades. Et là, petit à petit le miracle se construit devant nous. Il est cinq heures du soir, la température s’adoucit, devient supportable. La place se peuple peu à peu. Tout le village arrive de partout. Les femmes commencent à jouer au volley. Au Pérou, toutes les femmes jouent au volley. Les hommes au foot. Au Pérou, tous les hommes jouent au foot…Les ados jouent à des jeux épidermiques, les enfants se courent après et de temps en temps s’arrêtant net, viennent à la dérobée guigner cet étranger qui a une si belle tignasse d’argent et … qui boit de la limonade. Les vieux assis au bord regardent tout ça en clignant des yeux. Et moi je trouve que les filles ont de bien belles fesses, ah, les fesses des péruviennes! En quinze minutes, j’ai reculé de cent cinquante ans. Pas de radio, pas de TV, tout le monde est sur la place, tout le monde est heureux, jeunes et vieux mélangés, comme dans le temps, la vraie communion, le bonheur. Ce fut deux heures de pur paradis. Manuel, sacré Manuel, pour ne rien perdre du spectacle s’arrange pour que la madame nous apporte le souper sur la place. Elle s’est laissée aller, un vrai chef d’œuvre.
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Elle a fait des dessins avec la salade. On est un peu gêné devant tant de soins.
Mais la nuit sous les tropiques tombe vite, on allume déjà les lampes à pétrole, les chauves-souris sortent et les gens repartent comme ils sont arrivés. Nous allons faire un petit tour de chasse nocturne, Mark échappe de peu à une noyade dans deux mètres de boue épaisse. Il rit, c’est Mark! On tombe sur toute une série de grenouilles de verre arboricoles ainsi que sur de nombreuses ebraccatas que l’on appelle chez nous des clowns
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Cela m’écoeure parce que j’adore ces grenouilles et qu’ici, il y en a de plusieurs morphs différents que je ne connaissais pas.
Vers minuit, on rejoint nos bacs à puces.
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C’est là, dans ce village que je suis tombé, d’un coup, bang! éperdument amoureux du fleuve Amazone. C’est comme un immense lac, mais un lac qui coule à une bonne vitesse.
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Déjà on distingue à peine l’autre bord. Ce géant vous envoûte avec des couchers de soleil à faire pâlir Hollywood. Des dauphins viennent souffler dans votre dos. Et une fois que vous êtes rentrés chez vous, il ne vous reste qu’un souvenir qui vous bouffe le cœur en permanence comme le ferait celui d’une amante disparue : saloperie d’Amazone! On n’a qu’une hâte, c’est d’y revenir…
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Le jour suivant, on marche dans la montagne proche sans rien trouver, misère. Puis le lendemain dans le peu de forêt qui reste le long du fleuve on tombe sur un nouveau morphe de réticulatus, des barbudos, et un fantasticus exceptionnel, un des plus beaux que j’aie jamais vus.
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On a beau chercher, chercher, il est le seul de son espèce : le dernier des Mohicans.
C’est une chose que je ne m’expliquerai jamais, mais qui arrive assez souvent : on tombe sur une grenouille exceptionnelle. La trouvaille de l’année, mais c’est la seule de son espèce. On a beau chercher comme des bons, en faisant des cercles, il n’y a aucune trace d’une de ses sœurs et l’on repart bredouille.
Le retour est plus chaotique, il nous faut changer quatre fois d’embarcation pour rejoindre Iquitos. Heureusement Manuel est là.
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