On va de Puerto Bermudez jusqu’à Oxapampa en camionnette. Oxapampa n’a vraiment pas l’air d’une ville péruvienne. Elle a été fondée par des émigrés allemands et autrichiens. Tout y est à angles droits et les rues sont de béton. Ce qui n’empêche pas les jeunes de galoper à cheval bruyamment à travers la ville.
Le maudit planipaleae (Ameerega) habite, paraît-il pas loin de la ville. Il suffit juste de prendre un chemin privé qui appartient à deux propriétaires. Le premier que l’on rencontre, sosie absolument identique de Fidel Castro, même barbe clairsemée, même visage émacié. Il est juché sur une vieille moto Honda toute rouillée. Il nous reçoit plutôt vertement, mais nous laisse passer. Mark, Manuel et Jason s’en vont plus loin en éclaireurs parlementer avec le deuxième propriétaire. Ils s’en reviennent une demi-heure après. Par chance, ils n’ont rencontré personne, la voie est donc libre. Arrivés sur place, nous cherchons le planipaleae dans un torrent qui dévale dans une gorge. C’est superbe, plein de fougères, de mousses, de plantes vertes, cela dégouline de partout, mais hélas aucune trace de grenouilles…
C’est Mark qui comme d’habitude va les découvrir, un superbe couple, dans un biotope complètement différent de celui où nous étions dans le torrent : une forêt de bambous sèche.
Et je dois dire que j’ai un petit serrement au cœur en sachant que nous sommes les « deuxièmes » au monde à photographier cette petite chose qui n’a l’air de rien.
Mais quand elle étend ses pattes arrières, tout change, on est conquis par ses deux superbes taches rouges. Me voilà donc, moi, petit prétentieux, devenu avec cette trouvaille quasiment biologiste et presque célèbre. Comme Mark prépare un ouvrage sur les ranis du Pérou, il photographie chacune de ses grenouilles sur une surface blanche pour que chaque détail se découpe davantage.
Ah, vanité!
Jason avec précaution mesure les deux spécimens et les relâche.
Presque tout le monde redescend pendant que lui reste pour recueillir des informations supplémentaires.
Il faut d’abord trouver une autre bestiole qui elle, chante, enregistrer son chant,
ce qui n’est ici pas un mince travail. Puis, il faut la capturer pour être ainsi sûr que c’est bien la bonne bête qui chantait. Pour cela Jason, muni d’un minuscule haut-parleur lui rejoue le chant qu’il vient d’enregistrer
pour qu’elle réagisse et continue de chanter. Cela permet peu à peu de la localiser avec précision. Il y a ici une épaisseur d’au moins un mètre de broussailles sèches et la belle (le beau!) se cache dessous. Quand tout est déblayé, qu’on la enfin aperçue,
le cœur léger on remet le cap sur notre ville de béton.
Mais le voyage est loin d’être fini, Jason, encore lui, veut enregistrer le chant d’un macero et moi, tant qu’à faire j’aimerais bien voir où vivent les vanzolinis de mes terras.