Understory Enterprise

Par Bernard (Ouaouaron) 

Histoire et visite d’une ferme d’élevage :

Cet article a pour buts de vous présenter Understory Enterprises (UE) et également d’offrir un hommage à Mark Pepper et à Manuel Sanchez dont le travail et le dévouement pour la sauvegarde des « dendrobates » et des grenouilles de verre sont méconnus.

Il faut d’abord savoir qu’au Pérou depuis le début du nouveau siècle, les zoocriaderos (élevages d’animaux sauvages destinés à l’exportation) se sont multipliés. Ils font dans leur sillage vivre toute une série de fonctionnaires contrôleurs. On trouve donc des élevages de singes, d’oiseaux, de tortues, de lézards, de mammifères, un peu partout …

Il n’y a pour le moment, depuis qu’INIBICO ( Organisme gouvernemental : Institut d’Investigations Biologiques des Cordillères Orientales) ne s’occupe plus de grenouilles qu’un seul zoocriadero de « dendrobates », celui de UE.

Les quantités que le gouvernement autorise de capturer varient de huit à quarante spécimens. Ces animaux ne peuvent en aucun cas être vendus. Il s’agit ensuite de les reproduire à Iquitos pour pouvoir enfin exporter leurs progénitures.

Manuel et Mark souvent accompagnés de Jason Brown et Evan Twomey doivent attendre plusieurs années lorsqu’ils découvrent de nouvelles espèces pour que le cycle décrit précédemment se réalise et que ces grenouilles légales puissent enfin être vendues.

Pendant ce temps, dès la découverte de ces nouvelles espèces, la contrebande fait rage avec des années d’avance. La grenouille n’a encore pas de nom qu’elle est déjà vendue à Hamm.

Tous les deux mois a lieu une inspection des fonctionnaires de l’INRENA d’Iquitos. Ils contrôlent les installations, les espèces qu’elles contiennent ainsi que les registres.

Une ou deux fois par an, des fonctionnaires se déplacent tout spécialement de Lima pour une inspection surprise leur permettant de tout vérifier et de s’assurer du sérieux du travail accompli par leurs collègues d’Iquitos.

Au zoocriadero, deux employés à plein temps s’occupent des installations. Prochainement, il y aura trois pièces pour terrariums en verre, et une quatrième climatisée pour recevoir les grenouilles des tierras et de selva altas. L’entreprise possède encore à quelques kilomètres d’Iquitos un refuge qu’elle gère tout à fait grâcieusement pour le compte de l’INRENA et où elle accueille les tortues amazoniennes confisquées sur les marchés indigènes, les empêchant ainsi de finir dans une de ces délicieuses soupes locales.

Actuellement UE possède trois forêts ayant chacune leurs amphibiens spécifiques. Elles sont surveillées par un gardien local salarié pour empêcher le braconage de grenouilles et l’abattage du bois. C’est une goutte d’eau pour tenter de contrecarrer les effets de la contrebande et de la déforestation, mais au moins ces animaux sont sauvés.

En ce qui concerne la contrebande, dans les villages, il existe des « rabatteurs » qui offrent aux villageois de leur acheter des grenouilles, ils les revendent ensuite à des contrebandiers venu de la ville. Le salaire d’un ouvrier de campagne est de 10 soles (3US $.) Pour une grenouille «spécialement recherchée! » le rabatteur offrira 5 soles. On ne s’étonnera donc pas quand le spécimen commence à se faire rare, que les villageois n’hésitent pas à abattre les arbres pour en récolter davantage.

Et il y aura ainsi de nouveaux stock illégaux à vendre en dessous des tables des bourses Européennes.

Résultat, la forêt disparaît, la distance entre les reproducteurs s’accroît rendant la reproduction aléatoire. La grenouille disparaît alors peu à peu de la carte. J’ai eu deux fois l’occasion de jaser avec le plus grand cueilleur et rabatteur de grenouilles des hauteurs de Tengo Maria qui se plaignait amèrement de la disparition complète des lamasis de tierras altas sur son territoire et par la même occasion de la perte de son gagne-pain! Ma connaissance du terrain me laisse croire qu’il pourrait bientôt en être de même par exemple pour les silverstoneis et les bénédictas sauvages…

En Ontario, quatre personnes travaillent à temps plein pour élever les spécimens autorisés à l’exportation par le Pérou, pour les soigner et les reproduire dans des  bâtiments spécialement conçus.

Ce qui suit ici va rappeler des souvenirs amers à ceux qui ont déjà eu affaire avec certaines administrations et fonctionnaires publics des tropiques. C’est l’interminable processus et parcours du combattant que Manuel doit accomplir pour pouvoir exporter une grenouille à partir de son zoocriadero péruvien. Je n’ai rien inventé ni ajouté!

1- La grenouille doit d’abord avoir un nom scientifique répertorié. En général ce travail est fait par des biologistes péruviens ou par Jason ou Evan.

2- Manuel présente aux responsables gouvernementaux un plan expliquant les conditions de maintenance, d’alimentation ainsi que le mode prévu pour assurer la reproduction.

3- Ce plan est approuvé ou non par les fonctionnaires d’Iquitos.

4-Il sollicite de la part de Lima le permis de recollection de l’espèce.

5- Il patiente de 12 à 24 mois. (Dans le cas du captivus par exemple, cette autorisation demandée depuis plus de quatre ans n’a pas encore été décernée!)

6- Après autorisation, il récolte les bêtes dans leur biotope spécifique autorisé.

7- Il sollicite dans la ville la plus proche du lieu de la récolte les autorisations de transport depuis celle-ci jusqu’à Iquitos.

8- Il élève les grenouilles et les reproduit sous l’inspection des fonctionnaires d’Iquitos

9- La reproduction est dûment approuvée et peut alors être exportée. Seule la reproduction est autorisée pour l’exportation.

10- Il demande alors une autorisation de transport Iquitos-Lima (Guia de transporte)

11- Il sollicite par la même occasion les papiers CITES. Pour les obtenir, il faut : tous les papiers des inspections précédentes, la photo de chaque grenouille exportée, un certificat d’identification signé à Iquitos par un biologiste spécialisé en amphibiens.

12- Il lui faut ensuite payer l’impôt d’exportation.

13- Il prend alors l’avion pour Lima avec les bêtes.

14- Et à Lima, Alléluia, enfin depuis l’aéroport, il exporte les bêtes!

Je sais que tout ceci est abrutissant, incroyable. Pour préparer ce texte, j’ai eu accès à tous ces papiers. J’ai même vu une page complète remplie à la main par deux fonctionnaires, avec un sceau certifié, pour écarter cinq œufs demeurés stériles!!!

On trouvera toujours des gens qui penseront que la contrebande est bien plus simple et bien plus rapide. Pour eux, qu’importe ce qu’il va rester, dans le peu qu’il reste encore de la forêt, pourvu que les terrariums de leur salon soient pleins de grenouilles nouvelles!

Après bien des voyages au Pérou, après avoir fréquenté Mark et Manuel dans des conditions parfois difficiles, après avoir vu les méfaits de la déforestation, les grenouilles destinées à la contrebande qui croupissent dans des barils d’essence vides, je pense fermement que les contrebandiers sont véritablement de petites gens et que ceux qui achètent de la contrebande sont tout aussi minables et n’ont aucune excuse.

Sur cette terre nous ne sommes que des locataires, qu’allons nous laisser à nos enfants. Ne tuons pas ce qu’il reste de la beauté du monde…

Ce texte hélas n’est pas drôle mais, il ne sera pas vain si j’ai réussi à faire réfléchir au moins l’un ou l’une d’entre vous…

En guise de conclusion je vous livre la philosophie de Mark et de Manuel :« LES GRENOUILLES PÉRUVIENNES DOIVENT RESTER DANS LA FORÊT PÉRUVIENNE. »

C’est pour cela qu’ils ne prélèvent avec l’accord du gouvernement qu’une infime et unique quantité de spécimens et quand ils quittent la forêt, celle-ci continue de vivre comme avant. .

Pour les autres Amphibiens à la vente Understory Enterprises Inc est en partenariat avec WIKIRI dont 100 % des bénéfices sont injectés diretement pour la protection et la conservation, pour le partenariat avec Mitsinjo c’est 15 % du prix de vente qui est reversé toujours pour la sauvegarde de nos chères protégées.

Bernard